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humaniterre
27 mars 2007

EPITAPHE

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Jamais tu ne me dit ce que tu pensais de moi. Mais avais tu besoin de me dire que j’étais précieux pour toi ; tes yeux ne savaient pas mentir. Après les échecs de l’adolescence et les ratages de la jeunesse qui déchaînaient ton courroux en acérant tes sarcasmes qui me blessaient, vint mon age adulte où mon nom que tu lisais et qu’ensuite tu entendais sur les ondes te redonna de la fierté même si jamais je ne pus quitter le nid. Durant des decennies tu cohabitas avec moi, comme avec un mal nécessaire,une tendre blessure infligée à tes ambitions paternelles, par mon absence de réussite sociale ; cette incapacité d’enfant gâté à couper le cordon et durant ta vie entière tu m’ hébergeas sous ton toit, allant jusqu'à construire pour moi-l’ainé appélé à ouvrir le bal des mariages- un appartement en ton rez- de- chaussée que j’occupe depuis, à seulement un escalier de ton fantome ,qui depuis le 4 mars s’est incarné dans les murs et les objets de cette chambre, qui nous est devenue telle la crypte royale ,vide de ton corps sacré ,comme celui de tous les péres.La chambre est pleine de ton abscence, à chaque fois que nous y entrons , j’ai l’impression d’y déranger l’éternité.Il n’ya rien à changer, c’est le silence à perpétuité,jusqu’à ce que le Ciel soit plié comme un livre refermé dans la main de son Auteur.Je sais qu’il manquera toujours quelques chose à te dire, alors j’allume une cigarette.Fumeur de père en fils,et le mégot de la mort qui passe d’une bouche à l’autre.Je ne pouvais plus écrire, mais je voulais t’écrire.Alors voila j’aligne ces mots dont tu commença à me nourrir vers huit ans, lorsque abrité sous la table où tu prenais tes repas-à l’écart de la pagaille quotidienne resultant de la fusion des énergies de tes six enfants- je recueillais les feuilles de journaux que tu laissais choir après leur lecture et que je m’efforçais de décrypter dans cet exercice d’imitation qui fut notre complicité et notre transmission vertical du savoir.Mes sœurs et moi avons hérité de ta passion de lire ,qui te faisais dévorer un volume par nuit  au zenith de ta boulimie livresque.Comme nous étions liés par cette pudeur qui nous interdisait les effusions avec toi, je crois que notre amour de la lecture fut notre façon à nous de te dire combien nous te chérissions en prenant la suite de tes lectures, qui bourraient le meuble de la bibiothéque et ta table de nuit et - avec le tas de journaux que tu laissais trainer sur ton armoire-qui devint pour maman-éxilé dans le désert depuis ton départ- l’objet d’un travail de sysiphe,elle repoussant chaque matin l’invasion des textes ,qui le soir revenait à l’assaut avec les journaux et les romans que tu ramenais dans ta serviette et dont je m’arrangeais pour avoir la primeur, après ta lecture, la seule fois où j’exercais mon droit d’ainé.Mes mains maculées par l’encre fraîche des journaux attestaient de mon privilége.Ensuite se fanait doucement ces feuilles circulant de main en main comme le gage de notre connivence avec toi.Nous t’avons tant aimé papa que des bibliotheques entiéres furent dévorées par notre faim de te ressembler.Toute cette myriade de livres avec quoi nous avons rempli les heures etaient pleines de ta présence, qui fut un grand cadeau pour maman et pour tous ceux qui t’aimérent.Là où les autres - celles et ceux  situés hors du premier cercle de ta famille-voyaient en toi le grand homme,un modèle- qui parti de rien parvint à s’échapper de la prison des vanités-nous nous avions constamment sous les yeux ce père qui d’avoir à dix huit ans perdu sa mére-terrassée par la maladie de la pauvreté-en conserva pour toujours une douceur à fleur de peau, sous le masque de l’austérité.Ily’a quelques années,un soir-comme tu le faisais parfois-tu descendis chez moi choisir un roman sur ces étagéres pleines de tes influences littéraires.En remontant, tu marquas un temps d’arrêt sur le seuil et les livres que tu venais de cueillir dans un main pendant que l’autre fermait les pans de ta robe de chambre qui couvrait ta frilosité tu me dis-anticipant sur ton départ pour le voyage au bout de la nuit-« Tu sais, moi mon livre, c’a y’est, c’est fini, je l’ai lu et refermer.. ».Sans que je le sache tu venais d’écrire la fin de ton histoire ici-bas.Je t’aime papa.A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.

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Commentaires
P
un héritage qui vaut toutes les richesses du monde...on n'en finit jamais de devenir adulte!
K
Je suis avec toi, dans ces instants difficiles. J'ai moi-même perdu ma mère il y tout juste 5 ans (j'avais alors 29 ans). A elle aussi, je dois mon amour des livres, du monde des idées, de la curiosité intellectuelle… et de bien d'autres choses encore.<br /> Biz
L
... et devant mes yeux les mots se troublent...
humaniterre
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